Filiation, monstruosité et métamorphose dans les Métamorphoses d’Ovide - Université Clermont Auvergne Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2012

Filiation, monstruosité et métamorphose dans les Métamorphoses d’Ovide

Résumé

Hélène VIAL Filiation, monstruosité et métamorphose dans les Métamorphoses d'Ovide Grand poème romain de la mythologie, oeuvre d'un esprit fasciné par les passions humaines et attaché à décrire les manières dont elles dévorent les âmes au point de s'imprimer dans les corps, les Métamorphoses sont, par leur essence même, à la fois jalonnées d'histoires, souvent cruelles, de filiation et peuplées d'une foule de figures physiquement ou moralement monstrueuses. Or, le motif qui, bien souvent, forme la jonction symbolique et poétique entre ces deux éléments — l'engendrement ou l'enfantement d'une part, la monstruosité physiologique ou métaphorique d'autre part — est celui de la métamorphose, défini dès le proemium comme le sujet du poème 1. La relation qui, très vite, se noue ainsi entre filiation, monstruosité et métamorphose prend des formes multiples ; nous nous proposons d'en observer au fil du texte ovidien quelques-unes, parmi les plus remarquables, afin de tenter de dégager les principes fondamentaux de ce lien et surtout de définir sa fonction dans l'oeuvre. Notre hypothèse est que, s'il constitue un outil privilégié d'approfondissement de l'exploration ovidienne des passions, il délivre aussi un discours critique sur la manière dont les filiations mythologiques sont, à l'époque d'Ovide, réactivées, transformées et utilisées par le pouvoir. Pour tenter de montrer l'émergence progressive de ce discours dans le perpetuum […] carmen ovidien, nous prendrons pour point de départ l'évocation, au livre I, des premiers temps de l'univers, où se mettent en place et s'articulent entre eux les trois pôles qui nous intéressent ; la dernière image mythique que nous analyserons est celle, au livre XV, du phénix, ce monstrum par excellence qui, éternellement métamorphosé en lui-même, constitue aussi un emblème de la piété filiale, d'ailleurs exploité comme tel par le Prince ; entre ces deux sphères où n'existent ni le temps ni l'humanité, c'est toute l'histoire des hommes qui se déroule, ces hommes de l'âge de fer qui, à tout instant, sont susceptibles de violer les lois de la pietas familiale et dont la monstruosité intérieure peut conduire à la transformation, elle-même souvent monstrueuse, de leur corps, ou l'utiliser pour se donner libre cours. Création du monde et genèse d'une poétique : l'ouverture des Métamorphoses Dans le chaos décrit aux v. 5-20 du livre I, la métamorphose semble régner de manière absolue : nulli sua forma manebat 2 , écrit Ovide au v. 17. Fondamentalement instables, les formes ne cessent de donner naissance à d'autres formes et cet engendrement universel et permanent se fait sur le mode de la violence : obstabat […] aliis aliud, quia corpore in uno / frigida pugnabant calidis, umentia siccis, / mollia cum duris, sine pondere habentia pondus. 3 Cette exacerbation conjointe des principes de transformation et de parenté s'accompagne d'une nature foncièrement monstrueuse que définissent les v. 7-9 (rudis indigestaque moles / nec quicquam nisi pondus iners congestaque eodem / non bene iunctarum discordia semina rerum 4) et qu'exprime, dans l'ensemble du passage, la multiplication des formulations négatives. Mais ni la métamorphose, ni la filiation, ni la monstruosité ne se présentent ici sous 1 In noua fert animus mutatas dicere formas / corpora ; di, coeptis, nam uos mutastis et illas, / adspirate meis primaque ab origine mundi / ad mea perpetuum deducite tempora carmen : « Je me propose de dire les métamorphoses des corps en des corps nouveaux ; ô dieux, (car ces métamorphoses sont aussi votre ouvrage) secondez mon entreprise de votre souffle et conduisez sans interruption ce poème depuis les plus lointaines origines du monde jusqu'à mon temps » (I, 1-4). Texte et traduction seront ici ceux de Georges Lafaye (CUF). 2 « Aucun élément ne conservait sa forme ». 3 « Chacun d'eux était un obstacle pour les autres, parce que dans un seul corps le froid faisait la guerre au chaud, l'humide au sec, le mou au dur, le pesant au léger ». 4 « Ce n'était qu'une masse informe et confuse, un bloc inerte, un entassement d'éléments mal unis et discordants ».
Fichier principal
Vignette du fichier
Vial monstres.pdf (304.28 Ko) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
Loading...

Dates et versions

hal-01810442 , version 1 (07-06-2018)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01810442 , version 1

Citer

Hélène Vial. Filiation, monstruosité et métamorphose dans les Métamorphoses d’Ovide. Le Monstre et sa Lignée. Filiations et générations monstrueuses dans la littérature latine et sa postérité, 2012. ⟨hal-01810442⟩
113 Consultations
798 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More